Visibles depuis la rue Saint-Nicolas, les caricatures, ornant les volets vert émeraude, de la librairie Sedon n’épargnent personne. Ni les célébrités, ni les politiques du moment. Réalisés par Willem pour Libération, ces dessins apparaissent comme une invitation à venir lire… et surtout découvrir des ouvrages remontant jusqu’au XVIIe siècle. L’histoire sociale, le spectacle, l’ethnologie et la Grande Guerre sont autant de thèmes que l’on retrouve derrière ces murs.


Qui osera dire qu’il n’y a pas un chat dans les librairies d’occasion ?

« La seconde main rentre dans les mœurs »

Quelques dizaines de mètres plus loin, au café-librairie « Ulysse à l’ouest », Corine assure que le confinement a boosté l’achat des livres d’occasion. « À la veille du confinement, les gens sont venus avec des listes de livres et leurs cabas. Bien sûr on ne pouvait pas répondre à toutes les demandes. Ici vous ne trouverez pas le best-seller du moment. C’est aussi ce qui fait le charme de l’occasion, se laisser aller à la découverte des livres présents sur place. »

Même son de cloche, de l’autre côté de la Place de Bécherel. À la librairie Boulavogue. Brigitte y est installée depuis 2014 et elle sent que l’ère du temps est au changement.  » Je dirais que depuis trois, quatre ans, les livres de seconde main entrent dans les mœurs. C’est une tendance qui se vérifie également dans le textile avec des recycleries qui se multiplient. Il y a l’envie de consommer différemment et, ici, on l’a récemment vérifié avec les cadeaux de Noël . Quand les prix sont deux à trois fois moins cher que sur le marché du neuf, forcément ça vaut le coup de chiner. Ça permet à des familles ou des étudiants d’avoir accès à de beaux ouvrages.« 

Cité du livre

Depuis 1989, Bécherel est la Cité du Livre en France. Porté par l’association Savenn Douar (le tremplin en breton), le projet est « d’accompagner toute démarche culturelle en milieu rural ». Trente-deux ans plus tard, le village bretillien abrite seize librairies. Ce regroupement est une chance pour beaucoup : « S’il y avait seulement une librairie sur la commune, personne ou presque ne se déplacerait jusque Bécherel. Le fait d’être autant attire l’attention. Ça permet aussi aux clients d’avoir un large choix. » explique Erwann à « la librairie du donjon ».

Agatha Christie trône parmi les auteurs atemporels.

Erwann, c’est le fils de Colette Trublet, l’une des trois femmes, avec sa sœur et son ex-épouse, qui étaient à l’initiative de la Cité du Livre. Trois décennies que l’aventure dure pour ce libraire qui vend « zéro sur internet ». Selon lui, le contact avec les passionnés est essentiel : « on en apprend tous les jours grâce à certains qui s’y connaissent mieux selon les bouquins. Et le rayon qui plaît le plus en ce moment ? Le polar avec des auteurs comme Frédéric Dard, Agatha Christie et Maurice Leblanc  » assure-t-il.

Transition vers le numérique

Longévité égale pour  » Abraxas-Libris », l’une des plus grosses librairies de Bécherel. Elle compte un stock supérieur à 50.000 livres. Avec l’ouverture de trois boutiques spécialisées et un site internet, l’enseigne a évolué avec la demande numérique. 80% de son chiffre d’affaires se fait en ligne.

Entre deux rayons, le gérant explique l’intérêt croissant pour la seconde main : « Il faut bien comprendre que la démarche du lecteur n’est pas inféodée à la tendance et qu’ils ne s’arrêtent pas aux sorties littéraires. L’achat d’occasion ou de livres anciens permet de trouver des ouvrages ou des éditions qui sont aujourd’hui nulle part ailleurs. »

Zoom sur Stéphanie Thomas : Relieur d’art

En plein cœur de Bécherel, l’atelier « Livre en scène » restaure et décore des ouvrages usés par le temps.

« Continuer à transmettre le goût de la lecture et des livres anciens ». C’est ainsi que Stéphanie Thomas définit sa pratique, relieur d’art.

Installée depuis mai 2008 dans son atelier « Livre en scène », elle consacre son temps à redonner vie aux ouvrages abimés. Si les pièces de seconde main réservent plus ou moins de défauts, la reliure permet aux bibliophiles et libraires de sauver certains ouvrages.

Entre la couture des pages et la couverture extérieure, cette pratique minutieuse représente soixante opérations successives.

Chaque époque correspond à un modèle de reliure. Dans l’atelier de Stéphanie, l’ouvrage le plus ancien date du XVIIe siècle. Outre le temps, l’humidité et le soleil apparaissent comme les principaux ennemis d’une bonne conservation. « Selon la dégradation avancée ou non, le travail de restauration oscille entre sept et trente heures. Relier un livre c’est le protéger et le pérenniser. Les lecteurs restent attachés à ce qu’il soit en bon état » commente l’artisan.